Nos yeux sont fatigués, usés jusqu’à la trame.
Usés, écorchés, blanchis par ces formes pétrifiées,
idées mécaniques, uniformes;
par celles aussi, formes sans formes, sans plus aucune volonté d’être.
Par ces couleurs, jungles privées de voix,
tourbillons criards au bec vorace.
Par ces mouvements que ne calme plus la nuit,
buissons d’éclairs sans pluie, vagues raides ignorant le reflux.
Par ce volcan d’images.
Nos yeux sont fatigués, et nos paupières, devenues trop fines,
ne les protègent plus.
Sur leur écran, pâlissent les ombres du rêve.
Marie-Paule Lesage travaille pour nos yeux.
Pour leur faire du bien, les plonger dans l’eau calme.
Pour les faire à nouveau s’ouvrir sans peur sur l’infime où nous habitons.
Ses gravures nous redonnent le regard qui sait se lover dans le creux des choses,
s’arrêter devant le mystère des signes,
se poser sur la trace oubliée par le temps.
Roland Shön, avril 1997