née en 1959 à Mulhouse
Etudes aux Arts décoratifs de Strasbourg
Vit et travaille à Olwisheim (Bas-Rhin)

Exposition individuelles

2015 : – Artothèque de Montbéliard ASCAP (avec Odile Liger)
2014 : – « Pas de 2 » avec Monique Noguier céramiste, galerie l’Escalier, Brumath
2013 : – « Pas d’éléphant » Médiathèque Olympe de Gouges, Strasbourg
2013 : – « Pas d’hommes » L’Evasion, Selestat
2012 : – « Pas d’éléphant » Centre Culturel Français de Freiburg (D)
– « Eléphantesque » Centre Culturel Franco-Allemand, Karlsruhe (D)
– « Art-Karlsruhe », Foire d’Art Contemporain de Karlsruhe
– Etappenstall, (avec Maren Ruben), Erstein (F)
2011 : – Galerie L’escalier (avec Odile Liger), Brumath
2009 : – Médiathèque de Montauban
2008 : – Centre culturel de Flaine
2007 : – Médiathèque de Barr
– Centre de Coopération Culturel et Linguistique de Vientianne (Laos)
– Festival des éléphants d’Hongsa, (Laos)
– Espace des Arts Plastiques Cepagrap, Saint Dié des Vosges

2006 : – Médiathèque de Vendenheim
2004 : – Médiathèque de Strasbourg-Neudorf.
2003 : – Centre de Coopération culturel et Linguistique
de Vientiane (Laos) > Résidence
2002 : – Clinique de l’Orangerie, Strasbourg.
– Résidence au Centre International d’Art Verrier de Meisenthal (Lorraine).
– Maison des Arts (avec Christine Crozat), Evreux;
2001 : – Réalisation d’un livre d’artiste « LESCURE / LESAGE ».
2001 : – Institut Français, Freiburg (D).
2000 : – Georg Schultz Hauss, Waldkirch (D).
– Portes ouvertes à l’Atelier, Olwisheim.
1999 : – Espace Sofitel, Strasbourg. (intervention dansée de L.Ziegler
pendant le vernissage).
98/99: – Réalisation d’un livre d’artiste « CHAZAL / LESAGE ».
1998 : – Espace Lézard, Colmar. (Intervention du CFMI sur des musiques
de V.Flusser pendant le vernissage).
1997 : – Galerie Marinelli, Strasbourg.
1996 : – Bibliothèque Municipale, Obernai.
1994 : – Réalisation d’un livre d’artiste « UNGARETTI / LESAGE ».
1991 : – Galerie du Rhin, Colmar.
1989 : – Galerie La Planette, Grignan.
1988 : – Organisation du « Million d’Images », Strasbourg.
1987 : – Journal Hebdoscope, Strasbourg.
1987 : – Artothèque, Bibliothèque Municipale, Mulhouse.
1985 : – Duo Multiple (avec Bruno Haentzler), Galerie Adéas, Strasbourg.
1984 : – Galerie Adéas, Strasbourg.

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Textes et Presse

Marie-Paule Lesage

Loin de toute trace, de tout épanchement lyrique ou expressionniste, les estampes de Marie-Paule Lesage explorent les variations d’une stricte géométrie où la ligne répond à la surface, où la droite justifie la courbe, où le plein est couleur, où la couleur dévoile la matière de la matrice, où le blanc de la page est autant présence que vide.
Marie-Paule Lesage emprunte les mêmes chemins qui il y a vingt cinq siècles amenèrent les Thalès, Euclide, Héraclite… a découvrir l’ordre poétique du monde. Ses estampes, sous le sceau de l’équilibre, de la légèreté, du  » silence éloquent  » répondent en juste écho à la poésie placée en regard.
La répétition est exercice de mémorisation. La répétition est lancinante. La répétition engendre le nombre. Les grands nombres donnent le vertige. La simplicité et la rigueur du processus permettent à Marie-Paule Lesage de capter très efficacement notre attention et d’élever sous une forme monumentale une protestation contre l’aveuglement et la barbarie. Le  » Mémorial pour l’Algérie « , autre versant de l’œuvre, prend en compte la réalité brutale du monde et espère donner raison au philosophe qui considère qu’esthétique est éthique.

Maurice Mailard, Maison des Arts, Evreux, 2003

Le duo en demi-teintes
art concret et lyrisme: une exposition magnifique
à l’Institut Français de Fribourg

Les gants blancs sont prévus pour tourner les pages. Cette précaution est nécessaire pour prendre en mains les frêles travaux sur papier , les gravures sur bois et les eaux-fortes que Marie-Paule Lesage, l’artiste mulhousienne âgée de 42 ans a réalisés comme livres-objets. Depuis 1984, elle imprime sur sa propre presse dans son atelier des environs de Strasbourg des travaux pleins de retenue dans la tendance de l’art concret et les met en dialogue avec des textes choisis de poètes lyriques connus. Un duo tout en demi-teintes que l’on peut actuellement admirer à l’Institut Français de Fribourg.
Rouge comme l’amour: la cassette avec les poèmes de l’Italien Giuseppe Ungaretti s’offre au visiteur. Une joie que l’on peut laisser exploser et qui vous anime, voilà la signification du mot « Allegria » – c’est le titre du premier recueil de poèmes d’ Ungaretti qui contient des vers comme:  » Dormir – Je voudrais imiter ce pays doucement allongé dans sa blouse de neige » (1931, traduction allemande d’ Ingeborg Bachmann, Suhrkamp 1961). Un lyrisme d’une grande simplicité et musicalité – les mots de ce grand poète italien (1888-1970) qui sont comme en suspension dans l’air connaissent une deuxième version sur papier , dans l’impression gaufrée, toilée, dans le jeu de la typographie et de sa vision reflétée comme dans un miroir.
Le papier est son matériau de prédilection avec lequel elle est reliée par une sensibilité pleine de lyrisme. Elle lui pardonne quelques imperfections. Il y a toujours quelque chose qui remet en question la géométrie pure dans les droites, les segments et les cercles. Dans la reproduction de la surface poreuse et ligneuse de la plaque de contre-plaqué naissent des lignes fines qui ressemblent à de la pluie sur la surface blanche du papier. Les irritations sont voulues dans l’ abstraction géométrique.
Bleu marine comme le « timbre bleu de l’Ile Maurice » le timbre le plus prisé des philatélistes: c’est la deuxième cassette avec les poèmes de Malcom de Chazal, le poète de langue française originaire de l’île Maurice (1902-1981). Frère lyrique du peintre Gauguin dans son exil de Tahiti, il a écrit des phrases pleines de sonorités, de poésie et de simplicité dans ses « sens magiques » (1957).
« Un cristal, rond comme une boule de neige glacée » c’est avec ses mots que Michel Mercier s’enthousiasme devant le « Livre Lescure », qui contient en son coeur les textes des 12 Gnomides de Jean Lescure, le poète et critique d’art français. « Aussi légers que des plumes » dit Michel Mercier, on y trouve les textes imprimés sur papier Japon, qui mêlent intimement sens, couleur et image dans la typographie.

Et puis: 336 traces d’un rouge sang ressemblant à de petites pierres tombales ou des papillons morts prisonniers d’une épingle dans le « Mémorial pour l’Algérie » (1999) dans la grande salle d’exposition de l’Institut. Ici Marie-Paule Lesage s’exprime de façon critique dans un travail plein d’allusions contre l’oubli. Des traces du souvenir sur papier soie blanc, traces qui s’estompent de plus en plus, la peau fragile qui se retourne dans les coins comme un linceul pour les envelopper. Dans la deuxième salle des impressions sur bois de taille réduite et des eaux-fortes, lignes cassées, courbes. Constructions comme des lignes droites en biais, qui enserrent un cercle jaune, des formes circulaires ouvertes, des segments, des carrés et des triangles qui entrent en contact entre eux dans un dialogue d’une telle légèreté qu’il rappelle la parole.

Eva-Maria Schumann-Bacia

(Traduction Michel Mercier. Pour le texte original cliquez ici)

Marie-Paule Lesage, estampes

Depuis ses premières oeuvres étudiant la thématique du ventre et du noeud de manière relativement tourmentées, les recherches menées par Marie-Paule Lesage sur la tension et son pendant qu’est l’équilibre, l’ont amené à simplifier à l’extrême ce « noeud » cependant toujours présent.
Du ventre, de l’organisme, ne reste que le souffle : un trait, un cercle, un plein, un vide et un noeud autour duquel s’articule la respiration. Les formes deviennent géométriques mais la tension persiste dans leur rencontre : le triangle divise le rectangle, le cercle s’inscrit dans le carré, les lignes se frôlent sans se rejoindre, les angles s’opposent. Un cercle est pris entre deux fragments d’une ligne qui divise l’espace autour de lui en deux parties égales parfois colorées.
Les couleurs sont comme en tension, instables. Un bleu ou un jaune très légers laissent apparaître le blanc du papier, un orange un peu rosé, un vert qui tend au brun. Couleurs fragiles, discrètes, posées en couche très fine qui jouent avec la fibre du bois.

Extrêmement simplifiée, c’est un espace qui se dessine : l’architecture même de la feuille de papier, de sa forme gaufrée quelques fois seule présente. Un mouvement presque imperceptible d’un plein et d’un vide, d’un souffle se répète. Marie-Paule Lesage sculpte le souffle.

Dans les livres que l’artiste aime à faire en collaboration avec des poètes, ce travail sur la tension et l’équilibre est exemplaire. Loin de l’illustration, ses gravures mettent en musique la respiration du texte.
Le Mémorial pour l’Algérie reprend l’idée des gravures qui se succèdent pour donner un rythme à l’oeuvre. Juxtaposant des tirages de la même gravure puis dupliquant une nouvelle fois l’ensemble en prenant l’empreinte des gravures imprimées, toutes, avec leur infimes nuances, s’inscrivent dans un mouvement plus vaste. Chacune étant comme un balbutiement de souffle, redevenu à cette occasion complexe, noué ainsi qu’une déchirure rappelant les premières oeuvres de Marie-Paule Lesage. Mais de par leur multiplication et leur juxtaposition avec leur empreinte en miroir, l’ensemble redessine une architecture simple, une partition musicale, comme une respiration possible, un espoir de souffle, de vie à travers ce Mémorial. L’instant est douloureux mais le temps reharmonise ce qui se déchire.

Evelyne Loux

Malcolm de Chazal
Marie-Paule Lesage

Extraits de sens magique, publié une première fois en 1957, les neuf textes de Malcom de Chazal sont ellipses poétiques au point ultime de l’accord entre verbe et sens.Ténu est l’équilibre, prégnante est la force, lesquels se donnent à lire, à graver. Dans le sillage des poèmes retenus, M.P.Lesage exhorte le bois et le cuivre à prendre vie en neuf estampes transposées sur un papier BFK Rives. A l’intérieur de chaque double page de cet ouvrage en feuille, un texte centré, minimaliste, fait équilibre et écho à une planche, surdimensionnées pour certaines. A l’instar de l’ensemble de ses travaux, c’est d’un corpus de figures géométriques que M.P.Lesage extrait son champ formel présente par elle-même comme celui du funambule, entre deux espaces.
Recherche de l’équilibre, du trait juste, simple et ferme…

« Tu es là? »
Dit l »homme.
« Oui, dit la femme.
Ne sens-tu pas
Mon silence
Marcher vers toi? »

poème relié – matériellement – à un bois bleu nuit par un gaufrage circulaire, centré sur la double-page. Dans l’avancée du livre, un autre bois d’un rouge lumineux s’impose sur une pleine page pour un autre texte. Chacun d’eux est « prolongé » – métaphoriquement – en figures et traits épurés, en surfaces monochromes de rouge, bleu, jaune, vert de gris ou sable. Rien de superflu dans le chromatisme, rien que le juste choix. Dans cet ouvrage comprenant eaux-fortes et/ou bois, les gaufrages prennent valeur d’évocation, miroir de l’onde pour un des poèmes et son reflet de « papier froissé » pour suggérer silence et bruit d’un autre texte. L’oeuvre gravé de M.P.Lesage est aussi évocation de la troisième dimension. Certaines planches du présent ouvrage s’imposant telles des sculptures en apesanteur, défient toutes les lois physiques; C’est en liminaire et à l’extérieur des neuf doubles pages, que le graveur a choisi de placer un extrait de Pour un art poétique de R.Queneau. Tout un programme. L’édition originale de cet ouvrage a été tiré à 30 exemplaires.

M.P.Peronnet

« Art et métiers du livre »
N° 215, ( bibliophilie-livres d’artistes)

L’estampe contemporaine : Marie-Paule Lesage

Née en 1959, Marie-Paule Lesage grave depuis 1982. Formée à l’Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg, elle utilise aussi bien l’eau-forte que le bois. C’est cependant dans cette dernière technique que son travail prend le plus d’ampleur. Dix-neuf bois réalisés entre 1989 et 1998 et déposés récemment au département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France en témoignent.

Si au début, son travail se situait plutôt dans une veine expressionniste, il a, au fil du temps, évolué vers l’abstraction tout en laissant une large place à l’émotion. C’est en effet toujours un sentiment qui est à l’origine d’une gravure. Invitation à la contemplation, les estampes de Marie-Paule Lesage sont l’expression d’une émotion mise en forme, avec beaucoup de rigueur. Recherchant à chaque fois la forme la plus juste, Marie-Paule Lesage refuse de s’engager dans un travail où une image pourrait se décliner presque à l’infini. Ce qui équivaudrait pour elle à ne pas choisir et impliquerait la perte du sens de tout son travail : toutes les propositions se valant également, aucune ne serait donc nécessaire. Cette exigence se retrouve à chacune des étapes de son travail : dans la détermination de la forme, dans le choix de la couleur et jusque dans la mise en page et l’impression qu’elle réalise elle-même.

Epurées, les gravures de Marie-Paule Lesage semblent tenir toutes entières par une ligne. C’est en effet une ligne qui détermine la forme. Que la ligne soit creusée dans le bois ou qu’au contraire elle soit laissée en réserve de trait, elle distingue le vide du plein, l’intérieur de l’extérieur. Loin d’une géométrie stricte, les lignes de Marie-Paule Lesage gardent toute liberté, s’autorisant des courbes galbées, des parallèles approximatives voire de petits gribouillages graphiques. C’est d’ailleurs cette fluidité du trait qui étonne. Alors que la gravure sur bois, telle qu’elle apparaît dans l’imagerie populaire, est souvent caractérisée par un trait un peu rude, ici le tracé, sûr et fluide, de la ligne ne semble pas rencontrer de résistance.

Hors du trait en revanche, la matière ligneuse de la matrice est davantage sensible. La couleur, appliquée de façon uniforme sur des surfaces non gravées, révèle les fines rainures du bois. Parfois, du contraste entre des surfaces plus ou moins saturées de couleurs naissent des variations de matières. Ailleurs c’est le reflet de la lumière sur le blanc du papier qui fait apparaître des gaufrages, des rugosités cachées qui s’opposent au trait lisse. Si les estampes sont souvent monochromes, la couleur utilisée n’est jamais pure mais élaborée à partir des trois primaires par de délicats mélanges. Ainsi, le noir n’est-il pas un « vrai » noir mais est « réchauffé », presque imperceptiblement, par un peu de rouge. Et pour obtenir un ton plus doux, une plaque peut être imprimée une seconde fois.

Attentive à la couleur, parce qu’elle a conscience que le « simple fait de changer une couleur peut transformer une gravure », Marie-Paule Lesage l’est également au format du papier cherchant à ce que l’image imprimée tienne comme en équilibre dans la feuille. Chaque gravure trouve son propre espace. Et souvent, une grande partie du papier est laissée blanche. Alors par une sorte de superstition, de peur que tout cet espace lui soit retiré, Marie-Paule Lesage signe le plus bas possible.

Il n’est pas étonnant que, sensible à la mise en page, Marie-Paul Lesage soit attirée par les livres. Elle a ainsi réalisé, en 1994, un livre avec Giuseppe Ungaretti où les poèmes de l’un rencontrent les gravures de l’autre. En 1999, un autre livre est publié avec cette fois-ci Malcolm de Chazal. Actuellement Marie-Paule Lesage travaille sur deux autres projets, l’un avec Jean Lescure ; l’autre avec Roland Shön qui évoquera l’envers et l’endroit, une des caractéristiques essentielles de la gravure.

Marie-Hélène Gatto

n° 166 des Nouvelles de l’Estampe , octobre-novembre 1999

Les Livres de Marie-Paule Lesage

Ce sont de gros livres que vous posez sur la table, le soir, après le repas. Des livres que vous ouvrez comme des armoires, bruissantes de silences depuis longtemps oubliés. Des livres qui ne sont pas faits de pages serrées en fagots mais de feuilles que vos doigts déploient délicatement comme des ailes. Elles s’ouvrent sur le mystère des signes noirs posés sur leur blancheur. Traits, taches, lettres, griffes, points, traces, virgules, lignes qui invitent vos yeux à réapprendre comment toucher les mots, épeler les signes d’encre dont ils sont sertis, lire les silences blancs retenus dans leurs maillage. Des mots revenus à leur état d’image, des formes reconnues comme les phrases de l’indicible.

Roland Shön, 8 mai 1999

Nos yeux sont fatigués, usés jusqu’à la trame.
Usés, écorchés, blanchis par ces formes pétrifiées,
idées mécaniques, uniformes;
par celles aussi, formes sans formes, sans plus aucune volonté d’être.
Par ces couleurs, jungles privées de voix,
tourbillons criards au bec vorace.
Par ces mouvements que ne calme plus la nuit,
buissons d’éclairs sans pluie, vagues raides ignorant le reflux.
Par ce volcan d’images.
Nos yeux sont fatigués, et nos paupières, devenues trop fines,
ne les protègent plus.
Sur leur écran, pâlissent les ombres du rêve.

Marie-Paule Lesage travaille pour nos yeux.
Pour leur faire du bien, les plonger dans l’eau calme.
Pour les faire à nouveau s’ouvrir sans peur sur l’infime où nous habitons.

Ses gravures nous redonnent le regard qui sait se lover dans le creux des choses,
s’arrêter devant le mystère des signes,
se poser sur la trace oubliée par le temps.

Roland Shön, avril 1997

Print Show

Marie-Paule Lesage lives and works near Strasbourg (France). She uses geometric shapes in her work, especially circles and triangles, but also organic forms. There is a sense of lightness and elegance about her prints, in particular the ones which use embossed shapes with no or only minimal use of colour. Working in series gives her the opportunity to put the same shapes in new configurations and so create différent fields of tension. The visible structure of the wood plays an important part in her woodcuts and softens the coldness of associating blue and red to a stark green. The artist also presents a limited edition of seven illustrated poems by Guiseppe Ungaretti (1888-1970).

Martha Stevns

Il y a une complicité ancienne entre Marie-Paule Lesage et les poètes. Et ce n’est pas seulement une complicité d’esprit bâtie sur des lectures, mais elle est due aussi à la nature même du travail de graveur: c’est un apprentissage de l’exigence, de la complexité et de la patience.
En gravure rien ne peut-être laissé au hasard. S’il y a négligence dans la démarche, l’image ne « sortira » pas. Il faut la modifier mille fois, peut-être, y revenir tous les jours, la laisser se reposer aussi, se décanter: le travail du graveur ressemble fortement au travail du poète. Les tirages d’essais sont autant de pages de manuscrit, et chercher la teinte juste dans une gravure c’est chercher le ton juste pour un vers. Et puis la simplicité de l’évidence s’installe qui, simultanément, se révèle et se dérobe, et qui fait basculer le travail du côté de la légèreté et de l’œuvre. L’habitude de fréquenter des œuvres poétiques protège Marie-Paule Lesage du piège de l’illustration et de l’interprétation. Texte et image communiquent entre eux, mais dans des langages radicalement différents. Aucun n’est au service de l’autre, mais chacun apporte des éclairages supplémentaires sur l’autre.
La gravure comme la poésie sont des anachronismes essentiels. Ils assument le même rapport au temps, le revendiquent même, et nous obligent à nous y arrêter un moment. Parfaitement impropre à la consommation rapide, ils nous invitent en revanche à revenir encore et encore, comme le dit Ungaretti dans « Air de mandoline »

Je me polis
comme un marbre
de passion

Roland Schär
26.11.95

Nous apprenons à l’instant qu’un point s’est échappé d’une des gravures de Marie-Paule Lesage. Pourtant c’est bien là sa place et depuis longtemps, mais un moment d’inattention de la part de sa gardienne a suffit pour que ce petit prenne le large. Tous les cercles ont été retournés, toutes les lignes fouillées et peignées: le fugueur serait-il caché dans l’image même? Les couleurs sont en émois, les lignes courent à droite à gauche et créent la panique vers le centre de la feuille. Les courbes s’aplatissent, les cercles etronds ne savent plus où se mettre, car leur bel équilibre a été bouleversé d’un coup léger et fatal, remettant en cause des journées entières de travail ( et ceci si peu avant l’ouverture de l’exposition!). Trouver un remplaçant pour l’évadé n’est point facile, il y a point et point, et puis on s’y attache, à ces petits points de rien du tout! Finalement, tout le monde a regagné sa place et cette inquiétude, cet affolement, n’ont guère laissé de trace: le point a été retrouvé, sain et sauf, au fond d’un gaufrage, tout content d’avoir passé une nuit à la belle étoile.

Roland Schär

La gravure n’accepte pas d’ être touchée du bout des doigts. Exigeante, sensuelle, envoûtante, c’est l’épanouissement du toucher ou c’est l’échec. Point de rencontre: sculpture et peinture, toi, moi, ou point de séparation. Le chemin en commun: haletant ou calme, violent ou retenu, un corps à corps qui avance – le travail amoureux vers l’autre.

Observer le bois, lire son histoire, lire la plaque: c’est une page ouverte de l’arbre. Les nerfs mis à nu, les suivre ou les couper, selon l’idée ou le hasard. La surprise: l’éclat, splendide ou dévastateur. Tous les muscles tendus, nous avançons, moi le cavalier, le bois mon cheval .

On mord le métal comme on mord la chair: avec ardeur, à coups de plume. La chaleur se loge au cœur même de la froideur du métal. Miroir coupant, aiguisé au fil des encrages, c’est le tracé de les caresses répétées, le reflet de tes mains oubliées.

L’image est un souvenir partagé.

Roland Schär

Il y a d’abord la peinture, quand le geste reprend inlassable ses motifs, apprenant l’insistance et la patience qui font surgir la forme juste. Le goût pour les empreintes, les moulages, plomb et plâtre, soulignent au même moment l’attirance pour une image qui se « révèle ».

Peu après vient la gravure, inconscient merveilleux qui retourne, changé en image, au peintre son désir.

Le travail qui s’élabore alors charche davantage le processus que la forme: l’image serait une chose vivante que l’on taille dans la planche, que l’on voit naître sous la presse. Apparition ou disparition, à peine venue, pas encore repartie, posée à la surface du papier autant que suspendue dans l’espace infini de la feuille blanche.

Bruno Haentzler – 1987