Il y a une complicité ancienne entre Marie-Paule Lesage et les poètes. Et ce n’est pas seulement une complicité d’esprit bâtie sur des lectures, mais elle est due aussi à la nature même du travail de graveur: c’est un apprentissage de l’exigence, de la complexité et de la patience.
En gravure rien ne peut-être laissé au hasard. S’il y a négligence dans la démarche, l’image ne « sortira » pas. Il faut la modifier mille fois, peut-être, y revenir tous les jours, la laisser se reposer aussi, se décanter: le travail du graveur ressemble fortement au travail du poète. Les tirages d’essais sont autant de pages de manuscrit, et chercher la teinte juste dans une gravure c’est chercher le ton juste pour un vers. Et puis la simplicité de l’évidence s’installe qui, simultanément, se révèle et se dérobe, et qui fait basculer le travail du côté de la légèreté et de l’œuvre. L’habitude de fréquenter des œuvres poétiques protège Marie-Paule Lesage du piège de l’illustration et de l’interprétation. Texte et image communiquent entre eux, mais dans des langages radicalement différents. Aucun n’est au service de l’autre, mais chacun apporte des éclairages supplémentaires sur l’autre.
La gravure comme la poésie sont des anachronismes essentiels. Ils assument le même rapport au temps, le revendiquent même, et nous obligent à nous y arrêter un moment. Parfaitement impropre à la consommation rapide, ils nous invitent en revanche à revenir encore et encore, comme le dit Ungaretti dans « Air de mandoline »

Je me polis
comme un marbre
de passion

Roland Schär
26.11.95