L’estampe contemporaine : Marie-Paule Lesage

Née en 1959, Marie-Paule Lesage grave depuis 1982. Formée à l’Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg, elle utilise aussi bien l’eau-forte que le bois. C’est cependant dans cette dernière technique que son travail prend le plus d’ampleur. Dix-neuf bois réalisés entre 1989 et 1998 et déposés récemment au département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France en témoignent.

Si au début, son travail se situait plutôt dans une veine expressionniste, il a, au fil du temps, évolué vers l’abstraction tout en laissant une large place à l’émotion. C’est en effet toujours un sentiment qui est à l’origine d’une gravure. Invitation à la contemplation, les estampes de Marie-Paule Lesage sont l’expression d’une émotion mise en forme, avec beaucoup de rigueur. Recherchant à chaque fois la forme la plus juste, Marie-Paule Lesage refuse de s’engager dans un travail où une image pourrait se décliner presque à l’infini. Ce qui équivaudrait pour elle à ne pas choisir et impliquerait la perte du sens de tout son travail : toutes les propositions se valant également, aucune ne serait donc nécessaire. Cette exigence se retrouve à chacune des étapes de son travail : dans la détermination de la forme, dans le choix de la couleur et jusque dans la mise en page et l’impression qu’elle réalise elle-même.

Epurées, les gravures de Marie-Paule Lesage semblent tenir toutes entières par une ligne. C’est en effet une ligne qui détermine la forme. Que la ligne soit creusée dans le bois ou qu’au contraire elle soit laissée en réserve de trait, elle distingue le vide du plein, l’intérieur de l’extérieur. Loin d’une géométrie stricte, les lignes de Marie-Paule Lesage gardent toute liberté, s’autorisant des courbes galbées, des parallèles approximatives voire de petits gribouillages graphiques. C’est d’ailleurs cette fluidité du trait qui étonne. Alors que la gravure sur bois, telle qu’elle apparaît dans l’imagerie populaire, est souvent caractérisée par un trait un peu rude, ici le tracé, sûr et fluide, de la ligne ne semble pas rencontrer de résistance.

Hors du trait en revanche, la matière ligneuse de la matrice est davantage sensible. La couleur, appliquée de façon uniforme sur des surfaces non gravées, révèle les fines rainures du bois. Parfois, du contraste entre des surfaces plus ou moins saturées de couleurs naissent des variations de matières. Ailleurs c’est le reflet de la lumière sur le blanc du papier qui fait apparaître des gaufrages, des rugosités cachées qui s’opposent au trait lisse. Si les estampes sont souvent monochromes, la couleur utilisée n’est jamais pure mais élaborée à partir des trois primaires par de délicats mélanges. Ainsi, le noir n’est-il pas un « vrai » noir mais est « réchauffé », presque imperceptiblement, par un peu de rouge. Et pour obtenir un ton plus doux, une plaque peut être imprimée une seconde fois.

Attentive à la couleur, parce qu’elle a conscience que le « simple fait de changer une couleur peut transformer une gravure », Marie-Paule Lesage l’est également au format du papier cherchant à ce que l’image imprimée tienne comme en équilibre dans la feuille. Chaque gravure trouve son propre espace. Et souvent, une grande partie du papier est laissée blanche. Alors par une sorte de superstition, de peur que tout cet espace lui soit retiré, Marie-Paule Lesage signe le plus bas possible.

Il n’est pas étonnant que, sensible à la mise en page, Marie-Paul Lesage soit attirée par les livres. Elle a ainsi réalisé, en 1994, un livre avec Giuseppe Ungaretti où les poèmes de l’un rencontrent les gravures de l’autre. En 1999, un autre livre est publié avec cette fois-ci Malcolm de Chazal. Actuellement Marie-Paule Lesage travaille sur deux autres projets, l’un avec Jean Lescure ; l’autre avec Roland Shön qui évoquera l’envers et l’endroit, une des caractéristiques essentielles de la gravure.

Marie-Hélène Gatto

n° 166 des Nouvelles de l’Estampe , octobre-novembre 1999